Que fait-on des données ?

Ce programme repose sur l'idée que des liens étroits entre les citoyens et la recherche sont particulièrement pertinents dans le cas de la biodiversité : tout le monde peut contribuer à la collecte de données, permettant ainsi :

- une approche scientifique à grande échelle

- une amélioration des savoirs des participants concernant la vie sauvage

- une meilleure compréhension des questions de recherche contemporaine.

L'ensemble des données récoltées dans le cadre de l'OAB fournit des éléments pour approfondir les connaissances sur la biodiversité des milieux agricoles, pour mieux comprendre son évolution au cours du temps et les relations qu'elle peut avoir avec les pratiques culturales. Les résultats et les enseignements issus de la mise en commun de ces observations permettront d'établir des références et des tendances à une échelle globale.

Les protocoles sont simples, standardisés et les informations demandées sur les feuilles de terrain sont réduites, mais ceci est compensé par la mise en commun des nombreuses données standardisées, ce qui assure une solidité aux résultats globaux.

Que deviennent les données récoltées dans le cadre de l'OAB ?

Celles-ci sont valorisées dans différents programmes de recherche. Plusieurs chercheurs travaillent dessus au Muséum d'Histoire Naturelle mais les données peuvent être accessibles à d'autres organismes.

Néanmoins ces données sont particulières. Contrairement à la méthode expérimentale scientifique classique qui contrôle les conditions d'expérimentations pour observer un phénomène, les données de l'OAB proviennent directement du terrain sans dispositif expérimental contraignant. Les protocoles permettent d'observer la biodiversité mais ne contrôlent pas les caractéristiques agronomiques, écologiques ou météorologiques de la parcelle étudiée.

Deux situations d'études scientifiquesInformations[1]

Ainsi notre exemple au-dessus considère des relevés de biodiversité avec trois paramètres pris en compte : la météo, la bordure et la culture en place. Dans l'exemple 1) d'une situation expérimentale idéale seul un paramètre varie (ici la culture) ce qui permet de connaître son effet sur la biodiversité. Seulement, la météo ou le paysage ne sont en réalité pas contrôlables, nous nous retrouvons donc en situation 2 où les effets des paramètres se mélangent. Comment distinguer l'effet de la pluie ou du colza dans la situation 2 ?

Il faut donc veiller lors de l'analyse à ne pas être trompée par une variable sous-jacente non observée, ce qui peut porter à des conclusions erronées. Une méthode pour éviter cela est de travailler sur une partie seulement des données (sous-échantillonnage), homogène vis-à-vis des variables qui pourraient influencer le résultat (par exemple si une météo sèche semble influencer l'abondance de vers de terre on peut travailler seulement sur les observations faites en conditions suffisamment humide). D'où l'importance d'avoir le plus de précisions possible sur les conditions et les pratiques sur la parcelle étudiée. Plus les données seront précises et diversifiées plus les résultats pourront être précis et donc opérationnels.

Dans l'exemple au-dessus nous éliminons les relevés effectués sous la pluie ou sans bordure boisée. Si on observe un effet de la culture en place sur la biodiversité, il faudra le conditionner à des conditions « ensoleillées près d'une bordure boisée ».

Une méthode alternative et complémentaire consiste à passer par des modélisations statistiques. Ces techniques cherchent à retrouver les données observées (abondance ou diversité des espèces) à partir des variables d'observations (pratiques agronomiques, paysages, météo...) ce qui permet de comprendre l'importance des différentes variables dans les phénomènes (voir encart pour aller plus loin).

ComplémentRégression linéaire

L'objectif d'une régression linéaire est d'expliquer une variable Y (par exemple l'abondance de vers de terre) à l'aide d'une ou plusieurs variables explicatives X (météo, paysage, type de culture...). On possède ainsi des observations de Y effectuées dans différentes conditions des variables explicatives. L'analyse cherche à trouver à partir de ces observations la relation entre Y et X : Y=a+bX_1+cX_2

Le but est alors de trouver les valeurs de a, b, c (qui peuvent être nulles si la variable explicative n'influence pas Y). On est ici dans un cas avec deux variables explicatives X.

A titre d'exemple (fictif). Supposons une étude de l'abondance d'abeilles solitaires. En plus de cette abondance nous connaissons la distance au champ le plus proche, la date de l'observation (en nombre de jours depuis la pose du nichoir) et l'année. On observe les graphiques suivants :

Il semble avoir un lien entre l'abondance, la date d'observation et l'année mais pas vraiment avec la distance au champ. Mais il peut y avoir des effets non observés, par exemple les observations de 2016 et 2017 pourraient être des mesures avec des dates d'observations élevées ce qui nous feraient croire en une abondance plus élevée ces années. La modélisation linéaire nous permet de certifier, ces effets, on trouve ici : Abondance= -895+0.54*Date+0*Distance_champ+0.44*Année

On a donc un effet positif de la date (peut-être que plus on avance dans l'année, plus les abeilles ont le temps de faire leur nid ?) et de l'année (il y a de plus en plus d'abeilles au cours des ans) mais pas de la distance au champ.

Nous rappelons que cet exemple était fictif et ne représente pas de véritables conclusions agronomiques.

Enfin, les données de l'OAB sont très diversifiées et donc recèlent un fort potentiel. Il est donc important avant une analyse de bien définir la question de recherche que l'on se pose. Il faut être conscient qu'une étude ne pourra traiter qu'un seul aspect de la question et devra toujours être complétée.

ComplémentExemple d'étude menée sur les tendances temporelles de la biodiversité

L'équipe du Muséum a travaillé en 2019 sur les tendances temporelles de la biodiversité depuis 2011. Nous avons analysé comment l'abondance des vers de terres, abeilles solitaires, papillons, carabes et mollusques a varié entre 2011 et 2017 et si cette variation dépend de pratiques agricoles (travail du sol, pesticides, fertilisation...) ou de caractéristiques du paysage (présence de haies, forêts, routes...). Nous avons employé des méthodes statistiques proches des régressions linéaires détaillées dans l'encart précédent pour analyser l'influence du temps, des pratiques et du paysage sur l'abondance de la biodiversité, le tout en incluant les biais possibles dû aux paramètres d'observations (météo, date d'observation, etc.). Nous avons pu détecter de nombreuses tendances temporelles, souvent négatives pour les abeilles solitaires et les papillons d'une part, plus mitigées pour les vers de terre, carabe, mollusques. Par ailleurs dans certains cas les pratiques peuvent renforcer les tendances. Ainsi à titre d'exemple, la diminution des abeilles solitaires en grande-cultures semblent plus fortes dans les parcelles utilisant plus d'intrants chimiques (pesticides ou fertilisation minérale). De même, les abondances des carabes et des mollusques sont plus importantes dans les prairies permanentes que dans les prairies temporaires. Enfin l'abondance de vers de terre est plus faible dans les parcelles de grandes-cultures ayant un travail du sol profond.

Quelles sont les connaissances apportées par l'OAB ?

La réponse peut sembler simple : les programmes de recherche menés sur les données de l'OAB permettent de produire de la connaissance sur la biodiversité agricole. Les résultats seront ensuite diffusés au sein du monde agricole que cela soit au ministère, dans les chambres d'agriculture ou à l'échelle d'une exploitation. C'est du moins l'acception classique que nous nous faisons de la recherche scientifique et de la production de la connaissance.

Et pourtant l'OAB peut apporter d'autres connaissances plus diffuses et informelles. La mise en place des protocoles et l'observation de la biodiversité apportent une expérience sensible confrontant le praticien (agriculteur, conseiller...) à l'observation de terrain sur un objet qu'il/elle n'a pas forcément l'habitude de regarder. Des constats au jour le jour, des interrogations concernant la présence de certaines espèces, ce sont autant d'expériences qui sont aussi de la connaissance.

L'OAB a aussi pour vocation d'aider l'agriculteur à mieux comprendre la biodiversité de ses propres parcelles, au regard de son expérience de terrain et de ses observations. Bien sûr cette expérience mérite d'être discutée avec d'autres observateurs ou des conseillers ainsi que d'être confrontée à la recherche scientifique qui essaye de généraliser les observations ou de fournir des explications.

Ces différentes formes de connaissances ont une origine différente et se complète. Il s'agit de trouver l'équilibre afin qu'elles s'inspirent l'une de l'autre.

RemarqueUn article sur les premiers résultats a été publié en 2019 dans la revue Innovations Agronomiques, INRA

Observer pour comprendre les interactions de la biodiversité avec les pratiques agricoles : premiers résultats de l'Observatoire Agricole de la Biodiversité. Emmanuelle Porcher, R.L Vermeersch, Olivier Billaud, C. Pinard.

Vous pouvez le consulter ICI

Quelques tendances

Les données sont échantillonnées sur l'ensemble du territoire. Les participations couvrent différent type de production.

Types de cultures et participationInformations[4]

Grâce aux données de biodiversité et aux pratiques agricole saisies par les participants, il est possible de mettre en valeur certaine tendance. Ici par exemple, on peut voir les différences d'abondance d'abeilles sauvages selon la conduite de la parcelle.

Abondance d'opercules selon le mode de productionInformations[5]

On peut également voir l'influence du paysage sur l'abondance de papillons de jour. Ces résultats permettent de souligner auprès des participants l'importance de chaque pratiques, et son impact sur la biodiversité dans l'exploitation agricole. Ils sont aussi l'occasion de faire des rappels sur l'écologie et la biologie des taxons suivis pour permettre aux acteurs du monde agricole de mieux comprendre cette biodiversité, et de la prendre en compte dans leurs choix de gestion.

Abondance de papillons selon la structure du paysageInformations[6]

Ces résultats permettent surtout de produire des référentiels nationaux qui permettront aux participants de situer leurs parcelles par rapport aux résultats nationaux, selon le type d'agriculture en place sur leurs parcelles.

On peut par exemple sur ce graphique mettre en perspective nos observations de papillons en fonction des résultats à l'échelle de la france issus du protocole transect.

Référentiel OAB protocole papillons
Comment interpréter les graphes ?

RemarqueLe Bilan 2018 de l'OAB

Ce bilan propose quelques tendances issues des données récoltées depuis 2011, vous pouvez le consulter ICI